Article paru le 23 mars 2014 dans "L'Hérault du jour"
Auteur : Thierry Arcaix
Titre : Gilles FABRE et la fin des Etats-Nations
Sous-titre : Si les hommes politiques ne sont pas capables de contrôler le système économique, ils ne sont pas non plus capables d'agir face aux défis planétaires. Rencontre.
Né en 1971 à Montpellier, titulaire d'un DEA d'algèbre et d'un CAPES de mathématiques, Gilles Fabre commence sa vie professionnelle dans l'enseignement. D'abord professeur en lycée et collège, il se rend vite compte "qu'il n'est pas fait pour ça". Il monte alors sa propre entreprise, Pythagore France, vouée au soutien scolaire et à la formation continue. Et depuis vingt ans, ça marche. Il offre ses services à la France entière, recrutant les professeurs et les envoyant à domicile, pour du soutien scolaire allant du CP à l'Université. En formation continue, au travers du DIF (Droit Individuel à la Formation), Pythagore France perfectionne par exemple les travailleurs du BTP en français, lecture et écriture, initie le public à l'informatique, mais aussi, dans le cadre des marchés publics, va jusqu'à perfectionner les militaires en anglais. Tout aurait pu en rester là, si notre chef d'entreprise ne s'était alors mis à penser. Explications.
Politiquement, Gilles Fabre se présente comme un féru d'écologie, de décroissance et de toutes les théories défendues par la gauche radicale. Sans adhérer pourtant à aucun des partis qui auraient pu l'accueillir, il va se lancer dans l'écriture d'un petit livre qui va lui permettre de construire ce qu'il nomme "une utopie pragmatique". Un intéressant ouvrage qui prend en quelque sorte tout le monde à contre-pied, surtout en cette période électorale : "La fin des Etats-Nations". "Une fin programmée", nous explique-t-il, "par le fait que l'action politique a perdu pied face à l'économie". Il constate que "les décideurs ne sont plus en capacité d'agir, que c'est l'économie qui dicte ses règles à la politique et non l'inverse". Gilles Fabre est persuadé qu'aucun autre choix ne sera possible tant qu'on restera dans le système actuel. Il fait donc naturellement le lien entre cette absence de pouvoir politique et les problèmes globaux tels que le réchauffement climatique, ou la diminution de la biodiversité.
Le pouvoir n'est plus là
"Je suis convaincu", martèle Gilles Fabre, "que si les hommes politiques ne sont pas capables de contrôler le système économique, ils ne sont pas non plus capables d'agir efficacement face aux défis planétaires". Notre interlocuteur tient donc ici la preuve que les Etats-Nations ne sont plus l'échelle pertinente pour une bonne gouvernance mondiale. Et il argumente : "S'il y a de plus en plus d'abstention, c'est que les gens sentent bien que le pouvoir n'est plus là. Ils se sont aperçus qu'ils pouvaient élire n'importe quel candidat sans que le système global ne change". Gilles Fabre tient à préciser qu'il combat l'abstention, qu'il différencie la droite et la gauche, même s'il sait que les grandes lignes ne bougeront pas. Mais alors que faire ? Gilles Fabre ne désarme pas : "On peut agir à condition de réfléchir à la mise en place d'outils politiques globaux, à l'échelle planétaire. Je pense à cette conscience collective mondiale, qui s'est déjà organisée grâce à l'Internet". Il faut y voir, selon notre auteur, la face positive de la mondialisation, qui permet de discuter d'un bout à l'autre de la planète. "Grâce, entre autres, aux réseaux sociaux, continue-t-il, les points de vue se rapprochent et l'action politique peut bien se passer de frontières, faisant apparaître les problèmes communs, les ennemis communs".
Construire un gouvernement mondial
On en arrive donc au sous-titre de ce livre, qui est "construire la Fédération Universelle", qui est un gouvernement mondial élu au suffrage universel. "Nous avons à notre disposition les moyens de communication adaptés et on ne peut attendre des gouvernements qu'ils cherchent à former une fédération mondiale". C'est donc à partir d'un "Etat hors-sol", absolument pas défini par des frontières, mais par des valeurs communes que Gilles Fabre voit l'avenir de la planète, selon ses propres mots.
"La communauté mondiale doit donc s'attacher à régler les problèmes planétaires, tels l'exploitation des ressources, les transports, l'agriculture et l'élevage" continue Gilles Fabre. Il faudra définir un ensemble de lois, un code des droits et des devoirs, qui certes, pourront entrer en conflit avec les pratiques actuelles, nous dit-il. Ce serait alors ainsi l'aventure de la démocratie, seule manière de valider les choix, de les redéfinir, de les adapter et de corriger les dérives. Ce serait ainsi, selon l'auteur, la manière de reprendre en mains un destin qui nous a échappé, d'éviter une catastrophe majeure. Avec ses nombreuses pistes d'actions pratiques, ce livre montpelliérain, pédagogique, remarquablement écrit, apporte incontestablement une certaine fraîcheur dans le large et parfois hermétique domaine des sciences politiques.